Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Editions Chloé des Lys
4 novembre 2010

L'Afrique à l'honneur

 

L’Afrique à l’honneur

En cette année de commémoration des grandes indépendances africaines, et spécialement du Congo, ancienne colonie de la Belgique, il nous est paru opportun de présenter la façon dont le pays en particulier, mais aussi l’Afrique centrale et tropicale au sens large autour de lui, inspira le regard des artistes voyageurs occidentaux (peintres, sculpteurs, photographes) qui parcoururent ces territoires afin de découvrir, émerveillés, leurs paysages et leurs populations à une époque clé de son histoire (les années 1920 et 1930) souvent présentée comme « l’âge d’or » de la colonisation.

L’Afrique « rêvée » des Africanistes… ou le réel transfiguré

Après le profond traumatisme moral engendré par la première guerre mondiale en Occident, la décennie 1920-1930 qui s’ensuivit - mieux connue sous son appellation générique d’« années folles » - fut prise d’un « vertige » sans précédent pour l’Afrique noire, perçue comme le dernier refuge de l’authenticité, de la pureté, de l’innocence et du rêve dans ce « monde de brutes » européen non seulement ravagé par les destructions et les massacres, mais également de plus en plus défiguré par l’industrialisation et le matérialisme rampant.

Ce besoin général de ressourcement et d’« humanisme » est l’amorce du « primitivisme » sous toutes ses formes. Il explique en partie les vocations de nombreux artistes, écrivains ou intellectuels idéalistes qui se rendirent dans les colonies tropicales et centrafricaines en quête d’un ailleurs plus « aimable » et séduisant que leur propre environnement dénaturé, marchant ainsi sur les pas de leur illustre devancier et père spirituel en quelque sorte, Paul Gauguin (les expériences individuelles des Belges Auguste Mambour et Pierre de Vaucleroy, ou des Français Fernand Lantoine, André Gide et Marc Allégret relèvent essentiellement de cet aspect).

Au-delà de cet aspect sentimental ou philosophique, la période de l’entre-deux-guerres correspond également historiquement à la plus grande expansion de l’entreprise coloniale africaine, encouragée à grands renforts de « propagande » - on dirait aujourd’hui plus pudiquement diffusion ou mise en valeur – par l’image ou le décor.

C’est ainsi que se multiplièrent notamment en Europe à cette époque de tentaculaires expositions universelles et coloniales, dont celles d’Anvers 1930 et Paris-Vincennes 1931 (interventions successives des tournaisiens Allard l’Olivier, peintre, et Henri Lacoste, architecte) furent les points d’orgue.

La mise en valeur officielle des colonies s’accompagna également d’une attention nouvelle et toute particulière aux questions ethnographiques et géographiques répondant aux objectifs d’une meilleure connaissance et appropriation ou intégration des territoires et populations placés sous la tutelle de la Métropole. L’important recueil photographique constitué méthodiquement par le photographe d’origine polonaise Casimir Zagourski à partir des années 1920 s’inscrit directement dans ce contexte, de même que la célèbre expédition Citroën de la Croisière noire qui traversa l’Afrique de part en part en 1924-25 à l’aide d’autochenilles et en rapporta une exceptionnelle moisson d’images peintes (Alexandre Iacovleff), filmées ou photographiées (Léon Poirier).

Dans le domaine proprement esthétique enfin, les différentes questions liées au « primitivisme » confirmèrent le rôle prépondérant que le continent noir allait jouer dans les débats artistiques dont l’enjeu principal serait de « tordre le cou » à un style – l’art nouveau – et une école – l’impressionnisme – dorénavant perçus comme décadents et inappropriés dans le nouveau monde hyperactif, violent et mécanisé qui émergeait peu à peu. Le double avènement

du cubisme et de l’expressionnisme en est la manifestation la plus éclatante. On trouve l’écho plus ou moins prononcé de ces tendances avant-gardistes dans la production africaniste

de l’entre-deux-guerres où elles prirent cependant davantage la forme d’un compromis esthétique : l’« art déco », large dérivation de l’art nègre par son rythme intense et sa volonté de stylisation. L’influence culturelle africaine allait d’ailleurs s’étendre également à d’autres aspects de la création comme la musique (jazz) ou la mode, véritables avant-courriers de notre époque.

Ce vent de fraîcheur explique encore la découverte puis la révélation concomitante d’une série d’artisans congolais (Lubaki et Djilatendo pour les plus célèbres) dont les thèmes et les décors à la fois naïfs et humoristiques – souvent teintés d’allusions à la présence coloniale - en faisaient autant de « douanier Rousseau » à l’africaine.

Dans leur immense majorité, les représentations africanistes de cette époque traduisent l’admiration et l’empathie profondes que les artistes occidentaux éprouvaient pour les modèles naturels ou individuels qu’ils rencontrèrent au cours de leurs incessantes pérégrinations. Plusieurs sont également le reflet de certains préjugés ou fantasmes qui pouvaient alors circuler dans le monde occidental autour de la notion de barbarie ou de sauvagerie, voire dans le domaine érotique ; d’autres images cependant vont même jusqu’à dénoncer de manière explicite certains aspects de la colonisation.

L’exposition se propose donc de révéler les différents facteurs d’ordre politique, culturel, philosophique ou esthétique qui sont à l’origine de la « mode » et de la production africanistes, à travers un vaste parcours de différentes sections et le rassemblement d’environ deux cent pièces couvrant tous les domaines de la peinture, de la sculpture (Dupagne et Matton), de l’architecture (projets originaux de Lacoste), du cinéma, de la photographie et même de la littérature.

D’importantes oeuvres de Gauguin (Musée d’Orsay), Picasso (Wuppertal) et Permeke (Gand) viendront également épauler et illustrer la thématique spécifique du primitivisme.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité