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Editions Chloé des Lys
16 avril 2022

Dans mon kiosque de Mickaël Zoïna

Auteur : Mickaël Zoïna

Titre : Dans mon kiosque

Editeur : Editions Chloé des Lys

ISBN : 978-2-39018-206-1

Prix : 10€

Nombre de pages : 90

Poids : 67 grammes

Dimensions : 10,3 cm x 14,7 cm

 

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Notes biographiques

 

Michaël Zoïna est né en 1972 d'une mère flamande et d'un père italien. Enfant, ses deux grandes passions sont le football et la lecture.  À l'adolescence, son goût pour la musique remplace celui pour le ballon rond. A la même époque, il devient animateur de groupes de jeunes.

Actuellement il vit à Tournai et enseigne les mathématiques.
Ses autres ouvrages (« À la lisière des nébuleuses », « Derrière le silence », « Sans détour », « Du feu et de la nuit », « Plus que des mots », « Gaspard et Léa » et « Les statuettes ») sont publiés par Chloé des Lys.

 

1)   Résumé

 

Plus qu’un carnet de souvenirs, Dans mon kiosque est une invitation à entrer dans l’intimité de l’auteur.

 

2)   Extrait

 

 

{ Frédérique }

                                        

       La première que j’ai aimée.

 

       Je la croisais dans les couloirs de l’école ou dans la cour, elle était vêtue le plus souvent d’un perfecto, d’un jean’s troué au genou droit et d’un T-shirt gris qui mettait sa poitrine en valeur. Elle marchait avec une décontraction que je n’avais pas. Elle était belle. Trop pour que je puisse espérer l’embrasser.

       On ne se parlait pas, on n’avait aucune connaissance en commun. J’ignorais son prénom. Tout ce que je savais, c’était qu’elle était en section artistique. Je pensais que nous n’avions aucun point commun. Jusqu’à ce qu’un soir, à Forest-National, on tombe nez à nez au milieu de huit mille fans de Renaud.

       Quand je l’ai croisée à l’école le lendemain, je lui ai fait la bise.

 

       Le 5 mai, soit quelques semaines après le concert de Renaud, nous sommes allés voir Niagara au théâtre de La Louvière. Avec nous, deux amis à elle, en couple grâce à une petite annonce dans un magazine.

       Après le concert, on a bu un verre tous les quatre dans un bistro « de vieux ». Quand les deux filles se sont absentées pour un tour aux toilettes, le mec de la copine m’a dit :

       — Qu’est-ce que t’attends pour Fred ?

       — Je ne crois pas que…

       — Arrête !

       — Tu penses qu’elle accepterait ?

       — J’en mettrais ma main à couper.

 

       Je ne revois plus la scène de notre premier baiser.

       En revanche, je me rappelle très bien ces matins ensoleillés de mai et juin.

       Je quittais la maison de la rue Faignart le sourire aux lèvres et rejoignais Frédérique dix minutes plus tard devant Disco J. D’abord un bisou sur la bouche et après le départ de ses potes, on s’asseyait sur la pierre bleue à l’entrée du disquaire et on « dégustait », comme elle disait.

       Puis, on descendait la rue Hamoir bras dessus bras dessous pour rejoindre l’école.

       On était heureux. En tout cas, je l’étais comme je ne l’avais jamais été. C’est merveilleux d’être un adolescent amoureux.

 

       Je la revois, assise à même le sol du couloir, après mon oral de math. Elle m’attendait.

       Je la réentends me dire : « Quand ils passent Les flammes de l’enfer à la radio, je monte le son. » C’était le single de Niagara en cette fin d’année scolaire.

       Je réentends ma cousine Vanessa :

       — J’ai croisé Frédérique l’autre jour. Elle m’a dit : « Quand  je  regarde ton cousin dans les yeux, je vois la mer. »

­­­

       Je me souviens qu’elle adorait Goldman et que c’est pour ça que j’ai commencé à l’écouter. Doux était notre chanson. Je serai doux / Comme un bisou voyou / Dans le cou.

 

       Je me rappelle le nom du parfum qu’elle portait : Loulou.

 

       Début juillet, elle est partie en vacances avec ses parents à St-Idesbald. De mon côté, j’ai accompagné les miens en Italie. Ça serait long mais à notre retour, on aurait encore un mois de vacances devant nous. D’ailleurs, j’avais déjà nos deux places pour le concert de Simple Minds à Forest. Et puis, sans doute ferait-on l’amour. Notre première fois à tous les deux.

       Pour des raisons que je n’ai pas envie d’étaler, je suis revenu plus tôt d’Italie. Le lendemain du retour en Belgique, j’ai pris le train en direction de la côte. J’avais plus que jamais besoin de la voir.

       À Ostende, j’ai dû emprunter le tram. Direction Coxyde où elle avait l’habitude de voir ses copains.

       J’étais nerveux. Les arrêts fréquents du véhicule amplifiaient mon état. D’ailleurs, je suis descendu plus tôt : je préférais marcher. La digue de Coxyde n’est pas très longue et je n’étais pas à cinq minutes près.

       Je suis entré dans le luna-park. Elle était dans le fond à gauche, face à l’écran d’un jeu d’arcade. À ses côtés, un petit groupe de filles et de garçons dont un punk à la crête impressionnante. Ignorant ce petit monde, je suis allé me planter derrière elle et lui ai bouché la vue avec les mains.

       — Devine qui c’est ?

       Dès qu’elle s’est retournée, je l’ai embrassée. D’abord, j’ai senti une réticence. Puis, Frédérique s’est écartée de moi. Son visage, ce visage chéri, n’avait rien de souriant.

       — Viens, on va dehors, m’a-t-elle dit.

       Je l’ai suivie. Je ne comprenais rien.

       Elle s’est assise sur un muret et a baissé les yeux.

       — Tu as vu le mec qui était à côté de moi ?

       — Oui... Fred, qu’est-ce qui… ?!

       — Je sors avec.

 

   Il crut qu’il n’y avait plus rien à ajouter. Il se leva, puis ressentit pour la première fois de sa vie une immense fatigue, un de ces engourdissements qui rétrécissent l’espérance. 

 

    C’est dans Océans, le magnifique roman d’Yves Simon.

 

       Le soir, dans ma chambre, j’ai écrit ma dernière lettre à Frédérique.

       J’ai choisi chaque mot avec soin, ai agencé le tout du mieux que je pouvais. Certaines phrases m’ont étonné. Une énergie mystérieuse circulait en moi.

       Ai-je vraiment écrit pour la première fois ce soir-là ? J’ai tendance à le croire.

 

       Février 2020, soit plus de trente ans plus tard. Tôt le matin. Le jour n’est pas tout à fait levé. La digue de Coxyde est déserte. La vieille horloge est toujours là. Je l’avais oubliée.

       Je vais m’asseoir dans le sable et sors mon smartphone. Dans la barre de recherche de YouTube, je tape : « goldman doux live ».       

 

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