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Editions Chloé des Lys
21 novembre 2014

"Le fils du silence" de Danièle Deydé

Auteur : Danièle Deydé

Titre : Le fils du silence

Editeur : Editions Chloé des Lys

Dimensions du livre: 20,5cm sur 14,5
poids: 250 g
nombre de pages: 184 
ISBN: 978-2-87459-797-8
Prix : 22,10 euros

 

 

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Le fils du silence

 

Un roman qui nous raconte une triste histoire, celle de ces destins qui se rencontrent au quotidien pour qui sait les entendre et auxquels l’écriture peut apporter une touche de lumière, de cette lumière qui leur a fait défaut.

Présentation du dernier roman de Danièle Deydé : « Le fils du silence »

 

Le fils du silence : un huis-clos familial : un père, une mère, et leur fils adulte et « différent », vivent à l’écart des autres et dans un silence qui les sépare tous les trois.

Vincent, le père, est un homme généreux et aimant. C’est sur lui que repose le très précaire équilibre qui permet au trio de poursuivre une vie routinière. Mais il avance en âge et sa santé se dégrade peu à peu, ouvrant dans le quotidien de la famille des failles qui vont se  creuser chaque jour davantage : chez lui qui s’inquiète pour l’avenir de sa femme et de son fils ; chez Linette, la mère, dont la fragilité s’accentue au fur et à mesure que monte l’angoisse face au déclin de son mari. Seul Eliott, le fils, reste imperturbable, replié dans son monde interne, inaccessible aux autres.

Chacun est englué dans cette atmosphère lourde où la parole ne circule pas, où les questions restent sans réponse. Linette, si elle sait, ne peut briser le silence qui est devenu son refuge. Il lui faudra se trouver acculée à parler pour qu’elle parvienne à adresser à Vincent une terrible confession.

Tous les ingrédients sont là pour qu’advienne le drame.

Extraits :

Il a plu très fort, une bonne partie de la journée. La nuit tombe plus vite sous le ciel assombri. Eliott n’est pas rentré !

Le père, inquiet, s’est mis à la fenêtre qui donne sur la rue et le portail du jardin. Il guette l’arrivée de son fils. Les minutes s’étirent dans le silence de la pièce. Dehors, la pluie fine a remplacé les trombes d’eau qui ont imbibé la pelouse jaunie et courbé la tête des fleurs. Vincent s’éloigne de son poste d’observation pour y revenir, dans un mouvement de va-et-vient irrépressible. Il sent monter en lui une nervosité qui se mue en agacement lorsqu’il constate chez Linette une indifférence totale. Il observe sa femme à la dérobée : elle poursuit son train-train habituel, elle répète les gestes qu’elle fait chaque soir à cette heure, avec son visage de tous les jours, impassible et fermé.

Soudain, il n’y tient plus. « Je vais voir chez Antoine » lance-t-il tout haut. Elle sursaute sans répondre, mais avec un imperceptible haussement d’épaules. Il enfile son vieux ciré et s’en va dans l’obscurité.

Une heure plus tard, le voici de retour, l’air sombre. Eliott est introuvable. Croisant l’espace d’une seconde le regard de sa femme, il avoue d’un signe de tête son échec et se remet à attendre.

……

Alors qu’en bas dans la cuisine, Vincent veille en attendant le retour du fils, Linette s’est allongée dans son lit. L’obscurité est presque totale dans la chambre. Elle a laissé la fenêtre entrouverte et un léger souffle d’air agite le rideau. Elle ne parvient pas à trouver le sommeil auquel elle aimerait tant s’abandonner. Elle sait que Vincent est inquiet et cela la trouble car, elle, elle ne parvient pas à s’émouvoir quand il s’agit d’Eliott. Elle n’y peut rien et c’est ainsi depuis sa naissance.

La venue d’Eliott a achevé de la briser. Elle ne désirait pas cet enfant, et aucun autre enfant d’ailleurs. Elle se sentait si fragile, si seule ! Elle avait déjà tant de mal à assumer sa propre existence que la découverte de sa grossesse l’avait laissée anéantie.

La pluie a cessé en fin d’après-midi. Malgré son ciré, Vincent est trempé. Il a marché longtemps vers le bord de mer sans éviter les flaques d’eau qui baignaient les trottoirs. Les rues mouillées étaient désertées par les promeneurs et l’homme avait l’impression d’être un survivant dans la ville. C’était une drôle de sensation, à la fois stimulante et oppressante. La plage était ravagée par les vagues en folie qui se jetaient sur la route du littoral. Les embruns lui salaient le visage et Vincent ne savait pas s’il pleurait. Il ne parvenait plus à supporter la distance qui s’était installée entre lui et Linette, cette absence de communication, ce silence accablant. C’était au-dessus de ses forces et c’est pourquoi il avait quitté la maison. Pour mettre de l’espace entre eux, pour alléger le poids de cette solitude infernale, plus lourd encore lorsqu’il se trouvait avec elle. Face à la mer, seul encore, il s’était abandonné au désespoir qu’il tentait, à chaque instant de sa pauvre existence, de repousser. Il se sentait si las qu’il se demandait s’il aurait la force de rentrer chez lui. Encore une fois, il se posait la question : « Comment en sommes-nous arrivés là ? »

………

 

Tout dire ! Linette ferme les yeux, elle est prise de vertige. Tout dire ! Le peut-elle ? Il y a si longtemps qu’elle ne dit rien. Sait-elle encore parler ? Elle glisse son regard sur l’homme qui gît là, sur son lit. Il a gardé ses yeux fermés, mais il attend. Il a peut-être besoin de savoir pour partir sereinement. «  La vérité lui apportera-t-elle la paix qu’il espère ? » se demande sa femme, sentant qu’ils arrivent tous deux au bout de leur route commune. Elle se surprend à répéter tout haut, cette fois. « Tout dire, c’est ce que tu veux ? » Sa voix un peu étouffée la fait sursauter, elle a du mal à la reconnaître. Toujours immobile, le père ne répond pas. Sur son visage fermé, un léger mouvement de la tête vient confirmer sa demande. Il semble recueilli pour recevoir les aveux de sa femme. Il attend.

« Bien, fait-elle, je vais essayer de te dire ce que je n’ai jamais pu dire. C’était trop douloureux pour moi. Je voulais tout enfouir au plus profond de mon être, mais je n’ai jamais pu trouver la paix. » Elle fait une pause et ajoute : « J’espère que tu me pardonneras. »

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