Résumé
Henri, homme de pouvoir, consulte un mage qui lui promet une seconde jeunesse contre de l’argent. Il accepte mais cela ne se passe pas selon ses vœux.
La nuit, des rêves effrayants de fin du monde tourmentent George. Songes inspirés de l’actualité ou prémonitions ?
Au casino, Christopher se découvre être un « porte-chance ». Un joueur professionnel l’aborde...
Par quelques récits où se mêlent réel et imaginaire, l’auteur invite le lecteur à effleurer, de la main, l’étrange...
Huit nouvelles liées entre elles par deux thèmes : Dieu (très discret) et le Diable ; l’amour et la mort. L’auteur s’interroge : quelle est la justification de notre vie ? Sommes-nous libres ou le destin se joue-t-il de nous ?
Ces textes sont basés sur de l’expérience personnelle : la peur de la mort, la quête de l’amour, la ZAD. Les vacances à Noirmoutier. Le pouvoir. Les rêves prémonitoires. La recherche de Dieu et de son pardon. Enfin, une enquête policière.
L’auteur :
Didier Kelecom, né le 28 octobre 1951 à Etterbeek (Bruxelles).
Ingénieur civil de la Faculté Polytechnique de Mons ; spécialité : électronique, télécommunication. Il a travaillé chez Thales Alenia Space Belgium (Charleroi), les anciennes ACEC électroniques.
Marié, quatre enfants, 11 petits-enfants.
Passions :
- Musique : joue de la flûte traversière, de la clarinette et chante dans une chorale.
- Ecriture : deux recueils de nouvelles et quatre romans.
- Astronomie.
- Vol à voile à Challes-les-Eaux près de Chambéry.
- Pilote d’avion remorqueur télécommandé.
- Radioamateur dans sa jeunesse.
Extrait
Depuis que le monde est monde, le mal a été combattu avec plus ou moins de succès. Des saints, des prophètes, des peuples entiers se sont efforcés de le réduire. D’autres s’en sont accommodés et l’ont même asservi à leur profit.
Je vais vous conter un exemple qui tient de la légende : un personnage qui enferma le mal et le mit à son usage, un peu comme le mage use du génie enfermé dans la lampe.
Cela se passait au siècle des Lumières. Le personnage était un humaniste, un scientifique qui connaissait beaucoup de choses et fréquentait une multitude de gens. Il pratiquait aussi la magie noire en cachette. Nous ne le nommerons pas car son nom est célèbre. Nous l’appellerons donc le savant sorcier.
Quant à l’ange déchu qu’il captura, ce piètre personnage ne mérite pas plus que le nom de « diable » avec un petit « d ». Se faire prendre par un humain, fût-il un grand sorcier, c’était faire preuve de peu de grandeur. Notre savant sorcier invoqua le diable, le captura et l’enferma dans une pierre précieuse, un gros rubis. Cette pierre fut montée sur une broche.
Lorsque le savant sorcier portait la broche, il pouvait transformer du vil métal en or. Il amassa ainsi une immense fortune. Il avait pouvoir sur les femmes : aucune n’était capable de lui résister ; il eut des aventures multiples. Il avait une ascendance sur les hommes et imposait sa politique. Cependant, le pouvoir absolu ne l’intéressait pas : trop jouisseur, il ne cherchait pas à transformer le monde.
La puissance de la broche lui conférait une éternelle jeunesse. Ainsi il fréquenta la cour du Roi Louis XV comme celle de son successeur, Louis XVI. Il survécut à la révolution, traversa le Premier Empire, applaudit à la Restauration. Il connut d’autres révolutions et le Second Empire. Il disparaissait pour un temps, réapparaissait, se faisant passer pour son propre fils. Il ne changeait pas d’aspect, c’était un homme sans âge.
Un jour cependant, le savant sorcier entra dans une vieille église peu fréquentée. Il l’avait choisie avec soin. Le sanctuaire menaçait ruine car le curé était très pauvre. Il alla le voir et lui fit cette requête :
- Je souhaiterais cette nuit prier Marie, mère de Jésus, pour le pardon de mes péchés. Marie est silencieuse, modeste et aimante. Elle me comprendra, m’aidera. Acceptez-vous de m’enfermer dans votre église pour la nuit ?
- Ne serait-ce pas plus simple de vous confesser, mon fils ?
- Je ne suis pas baptisé, mon père, et j’ai très peu de temps devant moi.
Le religieux étudia avec soin le visage de ce curieux paroissien, un visage jeune et en bonne santé, loin des menaces de la mort. Il devinait cependant une terrible angoisse, un appel de détresse, pressentait comme du désespoir. Le savant sorcier sortit de son manteau une bourse remplie de pièces d’or et la lui remit :
- Vous avez besoin d’un peu d’argent pour entretenir ce lieu saint.
Devant ce don, le curé sentit son hostilité fondre, mais il ne voulait pas laisser quelqu’un seul dans son église.
- Je peux prier à vos côtés, si vous le voulez.
- Ce chemin, ce pèlerinage devrais-je dire, je dois le parcourir seul. Si vous voulez m’aider, priez pour moi dans la sacristie.
Il en fut décidé ainsi. Le soir venu, le curé ferma les portes et se retira dans son lieu d’oraison. Le savant sorcier sortit d’un sac cent bougies qu’il plaça devant Marie et les alluma. Il s’assit et se mit en prière. La statue de pierre, qui lui faisait face, voyait ses lèvres bouger et prononcer les mots en silence. Sa face transpirait sous l’effort et la concentration.
Chaque bougie brûlait à sa façon. Certaines éclairaient fort et duraient peu, d’autres se consumaient à l’économie et restaient allumées longtemps. Au milieu de la nuit, les premiers luminaires s’éteignirent. À chaque extinction, le visage de l’homme prenait des rides, ses cheveux blanchissaient.
À la lueur de l’aube, la dernière bougie eut un sursaut et mourut. Les lèvres du vieillard se turent, son cœur s’arrêta de battre et son esprit se figea pour l’éternité...
Au matin, le curé sortit de la sacristie pour proposer à son hôte une tasse de café. Il le trouva mort et ne le reconnut pas tout de suite : la transformation était profonde. Le prêtre soupçonna alors quelque diablerie mais constata que le visage du pénitent était empreint de sérénité, de paix. Il eut la certitude que Dieu lui avait octroyé son pardon, qu’il était mort en chrétien. Il se jura de faire le nécessaire pour que ce vieil homme soit enterré en terre consacrée.
Les officiels de la ville découvrirent sur le mort des documents attestant son identité et un testament signé de sa main. Le notaire en fit la lecture : la majorité des biens allait à des œuvres de charité. Le reste revenait aux héritiers, c’est à dire l’hôtel particulier construit au milieu d’un parc à l’écart de la ville.
Ce petit château, haut lieu de fêtes somptueuses, de débauches et de perversités, était une merveille d’art mais se révéla un cadeau empoisonné. La maison était hantée. Le mal circulait dans les couloirs à la recherche de son maître disparu. Les portes et les murs se déformaient à son passage. La maison fut désertée, laissée à l’abandon. C’était la maison du diable. Elle resta telle quelle pendant cent ans. Elle traversa deux guerres mondiales sans encombre.