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Editions Chloé des Lys
29 septembre 2017

Esquisse d’un chef d’œuvre de Cécile Biehler

Auteur : Cécile Biehler

Titre : Esquisse d’un chef d’œuvre

Editeur : Editions Chloé des Lys

ISBN : 978-2-87459-971-2

Prix : 19,30€

103 pages - Format A5 –

Poids : 151 grammes.

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 L’auteur

 

CECILE BIEHLER, monteuse audiovisuelle et auteure de onze ouvrages (nouvelles, poésie, poésie illustrée, recueil épistolaire…) dans lesquels dialoguent souvent son travail de plasticienne et d’écrivain ; écrits teintés de mélancolie et d’humour, en quête d’une vulnérabilité salvatrice.

Tous ses ouvrages sont consultables à l’adresse internet suivante :

http://biehlercecile.wix.com/cantique-des-etoiles

Parallèlement, elle anime des ateliers d’écriture pour adultes et dans les collèges et lycées de sa région où ses ouvrages sont étudiés.

Le livre

 

« Esquisse d’un chef d’œuvre » est un roman sous la forme d’une longue suite mélodique.

 

Jacques, un antiquaire en recherche d’une seconde vie professionnelle se fera vendeur de souvenirs pour Nathan à qui il manque tous ceux d’un père.

Jean-Yves, comptable coincé et obsessionnel se reconnaîtra en l’enfant et se découvrira une raison d’être en prenant soin de lui.

Les failles, les manques, les peurs de François et Jean-Yves vont se rencontrer à la croisée de deux tables de café. Ils vont se repousser l’un, l’autre. Ils ne savent pas encore qu’ils ont un dénominateur commun : Nathan. L’un est son père biologique, l’autre deviendra son père adoptif.

L’antiquaire constituera une aide précieuse pour retrouver leurs souvenirs, la petite amorce d’un changement qui trouvera son accomplissement grâce à Louis, gardien de phare, poète et rêveur. Le seul à avoir suffisamment de détachement pour les amener au pardon et à la rédemption.

Les plaies cicatrisées, le passé accepté, le père retrouvé, toutes ces mémoires enfin assumées : françois pourra alors vivre pleinement et sereinement sa mort.

Il aura compris cette leçon fondamentale : la vie n’est rien d’autre qu’une immense symphonie avec ses silences, ses mouvements, ses temps et contretemps (d’où le rythme singulier adopté pour les chapitres de l’ouvrage).

Il aura compris que c’est uniquement en incarnant sa misérable condition humaine qu’on peut espérer transcender son existence et tenter d’en faire un chef-d’œuvre.

EXTRAIT

Les bruits, les sons et quelques clichés photographiques pris depuis le sommet du phare : sa définition à lui de la vie, de ses joies, de ses peines. Il avait su apprivoiser cela. Les mots, il y en avait trop ou pas assez, il n’arrivait jamais à mettre la main sur le bon et n’aimait pas les choses trop compliquées.

De là-haut, il observait le monde sans définition ni date.

Il avait ce temps-là, cette liberté-là outre quelques menues tâches quotidiennes : allumer et éteindre la lampe, nettoyer les réflecteurs paraboliques ainsi que la chambre de veille, réparer les vitres brisées.

Sa seule responsabilité : veiller à éclairer les navires en conjurant le mauvais temps ; prendre garde qu’ils ne s’égarent au loin, actionner la corne de brume au besoin.

Sa seule raison d’être ? Encore une fois, aucune définition ne lui venait.

Aux yeux du monde, il incarnait la solitude du phare (hormis ses quelques promenades buissonnières au café du port qui lui valaient de descendre puis de remonter la centaine de marches de l’escalier en colimaçon jusqu’à son poste de travail).

Aux yeux du monde, il semblait, comme son caban, n’avoir ni envers ni endroit.

Les gens, contrairement à lui, paraissaient tenir beaucoup aux catégories.

 

Louis, c’était bizarrement d'en-haut qu’il se sentait le plus concerné par les gens et le paysage.

A force d’observer à distance, il pouvait deviner l’humeur des gens rien qu’à leur manière de se tenir sur la digue : courbés, bien droits, ramassés sur eux-mêmes, contemplatifs face à la mer…

Il trouvait que les hommes ressemblaient beaucoup aux dunes : des embonpoints, des boursouflures mais à des endroits différents.

Souvent, après, il oubliait, c’est à cela que lui servaient son carnet et son vieux Leica.

Le même depuis vingt ans. Il n’en aurait changé pour rien au monde !

Les nouveaux appareils possédaient tous des zooms qui faisaient un tel raffut que leur présence aurait dérangé l’ordre des choses.

 

S’il préférait l’humanité vue de là-haut, c’est que Louis savait très bien que les chimères ne quittaient guère la terre de plus de quelques centimètres alors que les idéaux s’envolaient bien plus haut. Il en allait de même pour les rires.

Cette vue panoramique sur le monde : sur les humains et sur l’océan avec leurs colères inexplicables, les mouvements de foule sur la plage, les éclaircies d’un soleil en sursis…

Le flux et le reflux des vagues contre le pied du phare, sa rage d’être éclairé par l’érectile édifice…

Le vent aussi, toujours, celui qui rendait fous les nuages en les obligeant à se courir après toujours plus vite ; celui qui emmêlait les cheveux et les esprits, celui qui peut-être le rendrait dingue lui aussi un jour ou l’autre.

 

 

Ce petit goût de sel sur la langue lorsqu’il penchait la tête au-dehors…

Parfois une mèche blanche de sa chevelure mal peignée venait se glisser subrepticement sur l’une ou l’autre photographie, parfois aussi une ou deux volutes de ses Gitanes. Il aurait préféré que sa présence fut une absence discrète. Il préférait que les hommes, les choses ne fassent que passer comme les oiseaux.

Aujourd’hui, il n’avait rien photographié encore. Il observait l’enfant en contrebas.

Souvent sur la plage, les gens s’agitaient, criaient, couraient en tous sens et Louis ne pouvait s’empêcher de penser à tout ce vide qui devait les habiter.

Mais pas l’enfant, l’enfant c’était autre chose qu’il ne pouvait clairement définir encore…

 

 

La teinte de son regard peut-être : un gris de ciel trop chargé.

De ces couleurs qui ne devraient pas avoir droit à l’existence ! Criminel pour un enfant d’avoir à porter celle-ci.

Louis pensa qu’il fallait parfois beaucoup de mélancolie amusée pour supporter le monde, pour accepter toutes ses finitudes : celle de la plage, celle de l’horizon, celle de sa place, là, tout simplement.

Là pour saisir la douceur extrême avec laquelle l’eau avait pris soin de déposer quelques navires de papier aux pieds de l’enfant. Louis savait qu’ils préserveraient une part d’imaginaire sortie tout droit de la matrice de l’océan.

Louis savait qu’il devait éclairer les pas du petit vers ceux de son père.

 

 

Louis, en attendant, le veillait de son regard bienveillant tandis qu’en cette nuit le paysage se recouvrait d’un doux lavis d’encre de Chine.

 

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