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Editions Chloé des Lys
13 février 2016

Les larmes de Titus de Christian Eychloma

Auteur : Christian Eychloma

Titre : Les larmes de Titus

Editeur : Editions Chloé des Lys

ISBN : 978-2-87459-896-8

Prix : 27,90€

14,8 x 20,7 cm

380 g

300 pages

 

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Biographie

À l’issue d’une carrière d’ingénieur dans l’industrie aéronautique, Christian Eychloma décide de se consacrer à l’écriture, et plus spécifiquement à la science-fiction dont il renouvelle le genre.

S’attachant à proposer à ses lecteurs des histoires originales porteuses de sens, il a à ce jour publié cinq ouvrages qui ont connu un vif succès auprès des connaisseurs comme des simples curieux .

-  « Que le Diable nous emporte »,  un roman d’anticipation en deux tomes  

-  « Ainsi soit-il », un peu la suite du premier

-  « Mon amour à Pompéi », récit d’un voyage temporel dans l’empire romain

-  « Les larmes de Titus », son tout dernier roman, une suite du précédent…

Contact :

Courriel : christian.eychloma@sfr.fr

Blog de l’auteur : http://futurs-incertains.over-blog.com/

Site de l’éditeur : http://www.editionschloedeslys.be/

 

Résumé :

Le professeur Liévin a donné à ses contemporains la technologie permettant les transferts temporels.  En dépit des incroyables conséquences qu’une découverte aussi révolutionnaire est susceptible d’entraîner, il est désormais tout simplement impossible pour le monde de l’ignorer. Il s’agit donc de bien réfléchir à ce que l’on va en faire, d’abord en s’assurant soigneusement que l’on sait la maîtriser.

Pendant que les sommités scientifiques et responsables politiques du 21e siècle se creusent sérieusement les méninges , le juge Roland Lévêque croit pouvoir filer le parfait amour avec Laetitia, en l’an 80 de notre ère, sous le règne de Titus, dans la capitale de l’empire romain.

Il ne va toutefois pas tarder à s’apercevoir qu’il n’est pas du tout évident de vivre dans une époque qui n’est pas la sienne et les nuages noirs qui s’accumulent sur la Rome impériale vont le contraindre à rompre la loi du silence qu’on lui avait imposée.

 

 

Extrait :

Les deux hommes attendaient, dignement drapés dans leur toge bordée de mauve, au centre de la vaste salle pavée de marbre gris et ouverte sur trois côtés par de hautes fenêtres encadrées de lourdes tentures rouges.

L’un, assez grand et sec, la soixantaine, le visage profondément ridé, les cheveux blancs plaqués sur le front, laissait distraitement planer son regard vers la colline du Capitole dont on pouvait admirer les temples se teintant de rose sous les rayons du soleil levant.

L’autre, un peu plus âgé, petit et rond, une courte barbe frisée et des cheveux quelque peu bouclés autour d’un crâne légèrement dégarni, affichait en habitué des lieux une tranquille assurance que son compagnon paraissait pour l’heure loin d’éprouver.

Davantage pour distraire la nervosité de ce dernier que pour l’informer de ce qu’il savait déjà, il pointa l’index vers les quartiers populeux dont les constructions de briques à plusieurs étages se serraient sur les pentes de l’Aventin. 

« Tu te souviens, tout ça avait été complètement détruit pendant le grand incendie, sous Néron. Il ne restait plus rien d’habitable, et ils ont dû achever de détruire les quelques isolae qui tenaient encore debout… »

Il l’attrapa jovialement par un pan de sa toge tout en désignant d’un geste ample le luxe qui les entourait.

« Mieux vaut résider sur le Palatin, mon ami ! »

L’homme à la toison blanche se rapprocha frileusement d’un des braseros réchauffant avec peine l’air encore vif de ce matin de mars. Il contempla, admiratif, l’impressionnant chandelier en or massif qui trônait parmi d’autres trophées tout aussi rutilants. Puis il jeta un bref coup d’œil sur les rangées de statues grecques, les tricliniums en bois précieux aux épais coussins brodés d’or et les trépieds aux pattes d’argent finement ouvragées.

« Pourtant, si nous en croyons ses révélations…

- Je n’ai pas oublié, Marius. D’après lui, même le Palatin serait touché…

- Sera, Caïus, sera… Les récents évènements devraient nous inciter à le croire sur parole, non ? »

Les deux visiteurs interrompirent brusquement leur conversation en voyant s’écarter un rideau à l’autre bout de la pièce. Un homme encore jeune mais au cheveu rare, costaud, trapu, et dont la riche tunique ne cachait pas l’embonpoint, s’avança vers eux à grandes enjambées, les bras levés en signe de bienvenue.

Caïus Plinius se précipita à sa rencontre.

« Bonjour, César ! » claironna-t-il avant de s’arrêter net lorsqu’il se trouva à deux pas de l’empereur.

« Caïus, mon ami ! » répliqua Titus en abattant ses énormes battoirs sur les épaules de l’amiral.

« Gloire à toi, César ! » répondit le vétéran, un peu gêné par ces marques d’affection.

Titus était certes un ami de longue date et, plus encore, un ancien compagnon d’armes. Mais il était difficile à Pline de faire abstraction du fait que celui-ci présidait désormais aux destinées de l’empire, avec d’ailleurs un sens inattendu de la mesure dans ses décisions de justice et une bienveillance envers tous qui forçait l’admiration. 

« Merci de l’honneur que tu nous fais en acceptant de nous recevoir ici ! Mon ami Marius, ancien sénateur et conseiller de Néron, est stupéfait de la magnificence de ce palais… » ajouta-t-il en tendant le bras vers Marius Avis, demeuré prudemment en retrait.

- Magnificence ? » s’étonna Titus en adressant un bref signe de tête à ce dernier. « Caïus, essaierais-tu de me flatter, par hasard ? Je soupçonne Domitien, mon intrigant de frère, d’envisager la construction d’un palais autrement plus somptueux s’il devait me succéder un jour !

- Ce qu’à Jupiter ne plaise, César ! Tout Rome espère ardemment que tu régneras longtemps pour le plus grand bien de l’empire…

- J’y compte bien ! Et avec l’aide des dieux, achever la rénovation de cette ville qui a tant souffert… À commencer par le grand amphithéâtre que j’aimerais pouvoir inaugurer dès cet été par de grandioses festivités !

- Sans aucun doute à la hauteur de cette prodigieuse réalisation ! J’ai remarqué que les ouvriers en étaient déjà au quatrième et dernier étage…

- Déjà, dis-tu ? Dois-je prendre ça pour une plaisanterie ? Tous les travaux ont pris du retard, comme d’habitude, et plus encore du fait de cette épouvantable catastrophe qui m’a tenu éloigné de Rome et a monopolisé et monopolise encore une bonne partie de mes ressources ! »

Titus, les yeux au plafond, secoua longuement la tête, comme pour prendre le ciel à témoin du malheur qui s’était abattu sur lui, deux mois à peine après le début de son règne. Puis il ramena sur Pline un regard où se lisait une inflexible volonté.

« J’examinais hier encore l’état de mes finances avec Tiberius, mon grand argentier, que tu connais bien pour avoir travaillé avec lui du temps de mon père. Ah ! Caïus… L’argent, l’argent… »

Il désigna du menton ce qui subsistait du somptueux butin de guerre.

« Tu peux constater que je n’ai pu me résoudre à faire fondre toutes les pièces du trésor ramené de Jérusalem, en dépit du besoin que j’en avais ! Et le fiscus judaicus, de plus en plus impopulaire dans la communauté juive, suffit à peine à payer les ouvriers… Mais je ne pense pas attendre que tout soit terminé pour y faire donner des jeux qui émerveilleront le peuple romain ! »

L’empereur fut sur le point d’ajouter quelque chose, puis y renonça avec un geste vague avant de désigner un des tricliniums alignés contre le mur.

« Mais nous aurons tout le reste de la journée pour parler de ça… Allons pour le moment tranquillement discuter de ce qui vous amène, toi et ton ami !

- Oui, César… Ce que nous avons à te dire est en effet de la plus haute importance !

- Ah, et puis, laisse tomber le « César », Caïus ! » proposa Titus, un peu agacé. « Nous nous connaissons depuis trop longtemps pour que je t’impose l’étiquette en privé… »

Les trois hommes s’installèrent sur les confortables coussins puis Titus battit plusieurs fois des mains. Quatre esclaves apparurent aussitôt avec des plateaux de pâtisseries et des boissons qu’ils disposèrent sur une table en acajou avant de s’éclipser discrètement.

L’empereur se saisit d’une coupe et, regardant tour à tour ses deux visiteurs, la maintint à hauteur des lèvres.

« Vobis hoc propino ! »

Ceux-ci l’imitèrent aussitôt.

« Prosit ! » répondit gaîment Pline. « Praebibo tibi hunc calicem ! »

Les trois convives vidèrent leur coupe avec un bel ensemble puis Titus, s’adossant contre un épais coussin, leur adressa un geste courtois pour les inviter à entrer dans le vif du sujet.    

« Eh bien… » commença Pline, hésitant. « Comme tu sais, je n’ai pu sauver autant de monde en faisant évacuer les principales villes de Campanie que parce que j’ai fini par prendre au sérieux les incroyables prédictions de ce fameux astrologue…

- Oui, oui… » répondit pensivement Titus. « Par les dieux… Je dois bien reconnaître que ma méfiance à l’encontre de ces gens-là s’en est trouvée sérieusement remise en cause. Ils ne seraient donc pas tous de vulgaires charlatans… Et celui-ci aurait disparu juste après l’explosion de la montagne ?

- On ne sait pas exactement… Je n’avais jamais rencontré un tel personnage qui demeure pour moi un mystère complet. Il voulait absolument retourner à Pompéi tout en sachant que ce qu’il nous prédisait avec tant de détails était sur le point de se produire ! Bref, nul ne l’a revu depuis… 

- Et tu confirmes ce que tu m’avais dit au cours de cette distribution de vivres, le mois dernier, à savoir qu’il avait prédit jusqu’à l’heure de l’éruption ? »

Pline hocha gravement la tête.

« Tout à fait. Mais ses prédictions ne s’arrêtent pas là… » répondit-il avant de se tourner vers Marius Avis.

« J’ai rencontré récemment Marius, tout à fait par hasard, dans le premier camp de regroupement installé immédiatement après ce désastre. Il m’a tout de suite reconnu, heureux m’a-t-il dit de me savoir encore en vie, et ce qu’il m’a aussitôt confié est d’une telle importance… »

Ce dernier s’éclaircit la voix avant de prendre la parole.

« Non, César… Ses prédictions ne s’arrêtent pas là, en effet. Car il a annoncé, de façon certes plus vague, mais bel et bien pour cette année, non seulement une grande épidémie, mais aussi un terrible incendie qui durera plusieurs jours. Et qui ravagera le Champ-de-Mars et le Capitole… »

Titus, d’abord sans réaction, fixa Marius avec, dans le regard, un mélange de reproche et d’incrédulité.

« Un terrible incendie ? Comme sous Néron ? »

L’ancien sénateur, la mine désolée, se contenta d’approuver silencieusement.

« Et ce serait pour cette année ?

- C’est en tout cas ce qu’il a affirmé, peu avant la catastrophe, chez des amis qui les hébergeaient, lui et la jeune fille qui l’accompagnait. Et qui a d’ailleurs disparu pratiquement en même temps que lui…

- Comme je le rappelais, ce devin est malheureusement à prendre très au sérieux… » intervint Pline. « Très au sérieux… Les destructions seront considérables. Le Capitole et les édifices du Champ-de-Mars, le Panthéon, la bibliothèque d’Auguste… Le Palatin lui-même sera selon lui en partie dévasté ! »

Titus, d’abord anéanti, se tassa sur lui-même. Puis il se redressa en lançant ses bras en l’air.

« Mais à quoi nous sert-il de le savoir puisque, si je dois vous croire, ceci doit inéluctablement se produire ? » observa-t-il sur un ton exaspéré.

Marius leva timidement la main.

« Eh bien… Je me souviens d’une conversation qui s’est tenue à ce propos chez ces mêmes amis, après qu’il nous eût annoncé l’éruption du Vésuve. Il prétendait qu’en effet certaines choses se produiraient immanquablement et que rien ni personne ne pourrait les empêcher. Mais que les actions des hommes pouvaient modifier dans une certaine mesure ce que lui lisait dans les astres…

- Moi, par exemple, j’étais supposé trouver la mort à Stabies, en allant voir cette éruption de trop près… » renchérit Pline. « Et je suppose que c’est parce que j’ai finalement renoncé à y aller que tu me vois toujours bien vivant !

- Et tous ces réfugiés qui, certes dans une situation peu enviable, auraient péri sous les cendres de la montagne s’ils étaient restés chez eux… » poursuivit Marius.

L’empereur ferma brièvement les yeux, les rouvrit, puis regarda alternativement les deux patriciens.

« Vous n’allez tout de même pas me suggérer de faire évacuer Rome ? » gronda-t-il.   

« Non, non, Titus… » le rassura Pline. « Cela n’aurait aucun sens, d’autant plus que nous ignorons quand, précisément, l’incendie est supposé se déclarer !

- Et pour en revenir à ces évènements que l’on ne peut empêcher, comme l’explosion d’une montagne, la bonne nouvelle est qu’un incendie est provoqué par des imprudents et non en principe par la volonté des dieux ! » reprit très vite Marius.

Titus demeura quelques secondes sans rien dire, le regard mal assuré. Puis il eut un sourire désabusé.

« Je comprends. Mais vous n’êtes pas sans savoir que les incendies sont malheureusement très fréquents à Rome, surtout évidemment dans les quartiers populeux, avec ces braseros qu’ils utilisent à tous les étages et qui ne demandent qu’à mettre le feu aux planchers en bois… »

Il se leva lentement et, mains dans le dos, soucieux, entreprit de marcher de long en large.

« Je peux évidemment augmenter le nombre des vigiles urbains, des pompes et des citernes, et la taille de celles-ci. Mais je doute que ceci soit suffisant pour garantir que l’on pourra toujours circonscrire un feu important. Quand je pense que l’aqueduc de Claude ne m’amène pas encore l’eau jusqu’au Palatin… »

Il s’arrêta, se tourna vers l’amiral Pline.

« Je dois par contre penser à protéger ma famille. Domitien, mon frère et éventuel successeur, et ma fille Julia dont je n’ai guère eu le temps de m’occuper depuis que je suis rentré de Palestine, à la fin de la guerre… »

Il demeura un instant songeur.

« Elle devait alors avoir six ou sept ans… Penses-tu qu’ils seraient en sécurité si je les faisais emménager dans la villa de mon père, sur le Quirinal ?

- Ceci me paraît être une excellente idée, Titus. 

- Qui risque toutefois d’être moins facile avec Domitien que j’aurai du mal à convaincre d’aller loger ailleurs qu’ici… Et pour ce qui me concerne, il est exclu que je quitte le Palais où se trouve évidemment ma place !

- Je comprends et respecte ta décision courageuse…

- Courageuse ? Du courage, comme tu dois t’en douter, il m’a souvent été demandé d’en avoir bien davantage !

- Bien sûr… » répondit précipitamment Pline. « Ceci ne fait de doute pour personne et j’en ai moi-même été témoin !

- Mais dis-moi, Marius… Comme si cet incendie qu’il nous a prédit ne suffisait pas aux malheurs qui nous accableront, il était bien question aussi d’une épidémie ? »

Marius opina tristement.

- Oui… » répondit-il, horriblement gêné. « Et les victimes seront hélas nombreuses. Très nombreuses…

- Par les dieux ! Il n’a rien précisé de plus ? De quelle maladie pourrait-il donc s’agir ? Cette nouvelle calamité pourrait-elle nous être amenée par les cendres de la montagne ?

- Non, César…  C’est ce que je m’étais moi-même imaginé lorsqu’il nous en a parlé. Mais il s’agirait selon lui d’une de ces maladies qui se développent lorsque les populations sont chassées par la guerre… »

Titus demeura silencieux pendant quelques secondes puis approuva d’un vigoureux signe de tête.

« Oui… J’ai pu observer ça bien souvent au cours de mes campagnes militaires. Et si j’en crois ce qu’il m’a récemment été donné de voir en Campanie, cette épidémie aurait même peut-être déjà commencé !

- Il est vrai que les malades sont de plus en plus nombreux dans ces camps… » renchérit Pline. « Les morts aussi… Et ceci en dépit de l’aide de nos meilleurs médecins et des secours si généreux que tu leur apportes depuis le début !

- Il faut donc s’attendre à bien pire encore… Il me faut comprendre que l’épidémie parviendra jusqu’à Rome ?

- Oui, Titus, jusqu’à Rome.

- Où elle fera de nombreuses victimes dans la population ?

- Oui, Titus, de terribles ravages… »

L’empereur parut s’enfermer dans ses pensées puis fixa  soudain Marius.

« Mais j’y songe… Puisque cet astrologue savait tout, ne vous aurait-il pas par hasard révélé les noms de certaines victimes ? 

- Eh bien… Oui, César, en effet… » répondit Marius en baissant la tête.

« Des gens importants ? De hauts personnages de l’état ? » insista l’empereur.

« Très importants… » répondit Marius sans oser regarder Titus dans les yeux.

Ce dernier s’immobilisa, soupira longuement, puis se laissa choir sur les épais coussins.

« Dois-je entendre que je pourrais moi-même être victime de cette épidémie ? C’est ça, Marius ?

- Oui, César… »

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