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Editions Chloé des Lys
29 juin 2012

Mon amour à Pompéi

 

Mon amour à Pompéi - Christian Eychloma 

 

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Résumé

 

Passe encore pour le juge Roland Lévêque, homme passionné d’histoire, qu’un doux rêveur ait pris rendez-vous avec lui pour tenter de faire innocenter un homme condamné sur la base d’un dossier où pratiquement rien ne plaidait en faveur de l’accusé. Mais on a beau s’imposer de garder en toutes circonstances l’esprit ouvert, il est des choses que l’on n’est pas prêt à entendre…

Le juge, après avoir patiemment écouté les explications du professeur Jacques Liévin et malgré la réputation de ce dernier, demeure tout aussi sceptique tant ce qui lui est révélé lui paraît incongru. Mais devant les preuves qui lui sont ensuite administrées, il est bien forcé d’admettre la possibilité de voyages dans le passé.

Conséquence inattendue, ce qui n’avait été jusqu’alors qu’un aimable fantasme prend tout à coup beaucoup plus de vraisemblance. Car faire véritablement la connaissance de l’admirable créature qu’il n’a jamais pu voir qu’à travers un portrait datant de vingt siècles n’est plus du tout une chimère. Plus du tout.

Et après une nuit très agitée, le juge décide d’être le premier voyageur temporel de l’histoire…

 

Extrait

 

Sa première impression fut, de façon assez inattendue, une sensation purement olfactive. Un mélange d’odeurs désagréables où prédominaient des relents caractéristiques de crottin de cheval ainsi qu’une nette puanteur d’égout. Puis il perçut le grincement d’une roue et un martèlement de sabots frappant régulièrement le pavé tout en se rapprochant. Enfin, il sentit la caresse de sa tunique contre ses mollets avant de réaliser à quel point lui était agréable la faible brise qui l’agitait. Il entrouvrit alors les yeux, timidement.

 

Sans les explications détaillées que Donato Amonelli lui avait fournies en lui commentant l’architecture reconstituée de l’antique Pompéi, il ne se serait jamais cru à l’endroit même qu’il venait de quitter, à vingt siècles d’ici.

 

À une centaine de mètres à peine de là où il se trouvait, le soleil couchant éclairait en effet d’une lumière rose une monumentale porte en pierres de taille, à trois ouvertures arrondies à leur sommet. Avec une arche centrale très haute, de la largeur de la route et sous laquelle s’engageait justement un lourd attelage en provenance d’un centre urbain dont il ne distinguait rien pour le moment. Et deux arches latérales beaucoup plus basses et étroites, vraisemblablement destinées aux piétons.

 

De part et d’autre de ce passage protégé, un mur assez haut, de toute évidence destiné à la défense, paraissait entourer complètement la cité, et il put apercevoir quelques promeneurs déambulant tranquillement le long de ce qui devait être le chemin de ronde.

 

Malgré l’heure tardive, l’endroit était loin d’être aussi désert qu’il l’avait espéré. Il dut faire preuve de détermination en levant haut son bâton pour tempérer l’agressivité de deux chiens hirsutes qui, délaissant les gamins avec lesquels ils jouaient probablement quelques secondes plus tôt, arrivaient brusquement sur lui en montrant des crocs menaçants. Puis il dut prestement se ranger sur le côté pour laisser le passage au gros chariot qui venait de franchir la porte de la ville pour prendre la route d’Herculanum.

 

Il réalisa tout d’un coup - avec une forte frayeur rétrospective - à quel point il avait mésestimé le danger potentiel lié à l’incertitude de ce qui pourrait précisément être en train de se passer à l’endroit et au moment où il avait prévu « d’arriver ». Il jugea en tout cas prudent de libérer très vite la chaussée et se retrouva en train de longer de curieux monuments entourés de petits jardins fleuris, plantés de lauriers et de cyprès et devant lesquels se trouvaient parfois disposés des bancs de pierre de forme semi-circulaire.

 

Il finit par s’arrêter en face d’un grand édifice à l’entrée voûtée et ouverte sur la rue, peint de couleurs vives, décoré à l’intérieur et à l’extérieur de frises en relief et surmonté d’un fronton triangulaire. Ce ne fut qu’après avoir remarqué les urnes de terre peinte posées verticalement dans des niches bien alignées qu’il subodora la finalité de ces constructions. Il se rappela alors les explications de Donato Amonelli à propos de la fameuse Voie des Tombeaux qui, entourant la ville, lui servait en quelque sorte de ceinture funèbre, et il comprit qu’il se trouvait devant une nécropole.

 

Un peu perdu, il décida de s’asseoir à l’extrémité du rebord de pierre occupant la base des parois intérieures de ce curieux monument. Puis il entreprit d’essayer de remettre ses idées en place tout en réalisant qu’il lui faudrait prendre très vite les premières décisions dont dépendrait probablement toute la suite du « voyage ». Et c’est en regardant plus calmement autour de lui qu’il fut forcé d’admettre à quel point il avait été loin de la vérité chaque fois qu’il avait tenté de se représenter la situation qu’il vivait actuellement.

 

Il se rendait maintenant très clairement compte qu’il s’était en fait, d’une façon plutôt comique, toujours plus ou moins imaginé dans une espèce de décor de cinéma. Avec des figurants en costume d’époque qui se seraient appliqués à jouer leur rôle à la perfection afin de donner l’impression de réalité.

 

Au lieu de quoi, tout ce qu’il pouvait percevoir de son environnement immédiat sollicitait à présent ses sens et son cerveau comme étant trop bien réel, indéniablement vrai. Réel, ce gosse dépenaillé, sale et morveux, qui arrivait vers lui en tendant une main crasseuse. Réels également les chiens faméliques qui, devenus plus méfiants, continuaient néanmoins à gronder sourdement. Réels, cette persistante odeur de merde, le hennissement des chevaux, les charrettes bringuebalantes qui tressautaient sur les pavés disjoints, les chants assourdis en provenance de l’auberge toute proche, presque en face de lui, de l’autre côté de la rue. Et les éclats de voix avinées qui lui parvenaient plus nettement.

 

Réel enfin, ce légionnaire tête nue, mal rasé, le torse protégé par une armure de cuir râpé, présentement accroupi pour resserrer les lanières qui rattachaient à ses chevilles des godillots usés et poussiéreux. On était décidément loin, très loin d’Hollywood…

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