Fanny Charpentier
Interview
Fanny
Charpentier
La Mer en hiver et autres éclaircies
Nouvelles
1. Pseudo ou nom réel ?
Mon vrai nom.
J’ai commencé un blog avec un pseudo (Emma Stuyts, du nom de mon amoureux) car
j’avais peur de ce que pourrait penser… mon chef de mes écrits ! Quand
Chloé des Lys m’a annoncé que le livre verrait le jour, j’ai ressenti le besoin
qu’y soit inscrit le nom de mon père, celui qu’il m’a donné. Peut-être parce
qu’il n’a eu que des filles… J’ai eu envie que son nom continue à exister, même
sans descendance masculine…
2. Tu habites où ?
A Ecaussinnes, par hasard. On cherchait une maison à
acheter, pas trop chère, et on voulait pouvoir aller travailler à Bruxelles et
Charleroi en train. Je ne regrette pas mais mon cœur sera toujours à Blaton
(des gens qui font la fête à la
Toussaint, qui l’ont toujours fait, bien avant Halloween, ça
ne s’oublie pas).
3. Sucré ou salé ?
Sucré. Salé. Mes nouvelles sont sucrées, car pleine de
sentiments, mais aussi salées, car on y pleure finalement assez souvent. Rien
d’écœurant, rassurez-vous.
4. Ton job ?
Je travaille comme porte-parole d’Infrabel, la société
qui gère le rail en Belgique. Et je suis une vraie petite cheminote :
j’invite qui râle sur la ponctualité à visiter notre centre de gestion du
trafic (l’équivalent d’une tour de contrôle dans un aéroport) pour comprendre à
quel point on est loin du papier à musique ! On peut râler sur ce qui ne
va pas, pas sur ce que l’on ne connaît pas.
5. Un souhait ?
Ne jamais devenir une vieille femme acariâtre. Garder mon
âme d’enfants et les rêves et croyances qui vont avec. Accepter la vie et ses
détours, ses travers, ses renonciations. Ca fait trois souhaits, mais les bons
génies en accordent toujours autant.
6. Pourquoi t’es chez Chloé des Lys ?
La culture est hyper standardisée, surtout l’écriture. Si vous n’êtes pas fils
de star, que vous n’écrivez pas votre biographie romancée, que vous ne dites
pas du mal de votre voisin, que vous n’êtes pas pédophile, drogué, terroriste,
échangiste, d’une minorité quelconque (surtout sexuelle ou abusée), alors, vous
pouvez aller jeter directement votre manuscrit à la poubelle. Si en plus, vous
avez eu l’outrecuidance d’écrire des nouvelles, apprenez le crochet. Chloé des
Lys donne de l’oxygène aux lecteurs, qui ne sont pas aussi stéréotypés, eux, que
les critiques et agents littéraires bruxello-parisiens.
7. T’écris quoi ?
Des nouvelles, parait-il. Je préfère dire, comme mon
amoureux, que j’écris des sentiments. Les jolis comme le désir, l’amour, la
tendresse, mais aussi les pires comme l’avidité, l’indifférence, l’égoïsme.
Dans les deux cas, j’aime que le mal soit empreint au moins d’une toute petite
lumière (sinon, ça fait trop peur) et le bonheur pas trop rose (sinon, ça
étouffe). J’aime essayer de décrire les gens comme ils sont dans la vie. Souvent,
d’ailleurs, tout part d’une sensation éprouvée au détour d’un regard croisé par
hasard.
8. Qu’est-ce qui te fout en rogne ?
De vivre dans un monde que je ne comprends pas. Pourquoi les gens ne se disent
pas bonjour, par exemple. Cela fait plus d’un an que je prends le train tous
les jours avec les mêmes personnes et je n’en connais aucune ou presque.
9. Tes livres cultes, tes films cultes, tes personnages
cultes ?
« L’alchimiste » a vraiment changé ma vie, enfin, ma façon de voir la
vie. A part ça, « La bicyclette bleue » (j’étais adolescente !)
m’a donné envie de devenir une héroïne ordinaire. Modiano m’a donné envie
d’écrire car j’ai découvert que l’on pouvait rédiger de façon non
conventionnelle, sans s’encombrer de descriptions précises sur les lieux ou les
personnages. Le Clézio m’a soufflé que l’on pouvait aussi écrire des nouvelles
et les voir publiées. Il y a des centaines de livres qui m’ont apporté quelque
chose, y compris des idées sur ce que je ne voulais pas faire. Ma mère était
libraire et nous a toujours inviter à lire. De tout, à tout âge, sans jamais
faire de tri dans nos lectures. Merci, maman !
10. Quelle est la question la plus stupide qu’on pourrait
te poser ?
Si j’aime la mer en hiver. A mon avis, on ne pose pas
cette question à une Belge. Pour nous, la mer du Nord ne se donne à voir que
sous un ciel gris, entre les fines gouttes d’une bruine froide. Et les joues
battues par le vent, on sait que l’on vit. Peut-être pour pas grand-chose mais
ce spectacle de vert, bleu, gris, brun, ocre qu’aucun peintre n’a jamais su
rendre est déjà quelque chose qui vaut la peine.