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Editions Chloé des Lys
23 mai 2007

Critique de Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

GILLES-MARIE CHENOT : FLUX ET ALLUVIONS

Gilles-Marie Chenot, Les semences pourpres de l'Innocence, Editions Chloé des Lys,  Barry (Belgique), Le chant du danseur, Editions du Cygne, Paris.

Rien de mieux, afin de définir la poétique de Chenot, que de reprendre la phrase liminaire d'un de ses poèmes :
"C'est dans un vide luxuriant que l'homme de chair et de sang entre par les cinq portes immobiles du prélude onirique".
C'est ainsi que l'écriture, à travers le clavier des sens, se déploie et élève des icônes. Et s'il est des poèmes où les vers deviennent comédie parce que la volonté de s'y montrer est plus forte que le désir d'être, cela n'est pas le cas chez l'auteur des "Semences Pourpres". L'action poétique se dévoue à l'affect et les volumes des vers s'enflent jusqu'à devenir prose poétique comme la terre boit l'eau.

Les images, de fragments en fragments, de seuils en seuils, de portes en portes, plus que décors deviennent mouvements ou éclairs. Elles ne se contentent pas de comparer elles deviennent symboles qui agrandissent le monde plus qu'elles n'étalent leurs ornements. Leurs lames bleutées ou bistres rugissent, elles ne rabattent pas la pensée mais à l'inverse l'érigent dans une rhétorique qui n'a rien de redondante. Bref elles enflamment de leurs propres chairs, créent des orages que le lecteur ne se contente pas de regarder par la fenêtre de chaque page : il est pris dedans, dans l’œil d'un cyclone de l'imaginaire. Il permet de toucher au cœur des choses pour l'ensemencement de leurs jachères et des nôtres.

Dans le silence, ou contre lui, la parole n'est pas que poussière : elle est chair colorée, volcanique, elle rend le monde nécessairement instable plus que réifié. Et là demeure l'essentiel. Contre les visions courtes et donc négatives (mais peut-on alors encore parler de vision ?) Gilles-Marie Chenot dégage sa poétique du dessin, de la circonscription, du contour et de l'ornement. La conflagration de ses images filantes donne une substance au temps. Ce dernier devient une pulsation, une insolence afin qu'on n'y engloutisse pas le trop peu qu'on est sans en savourer les alluvions. Surgit ainsi une sollicitation perpétuelle et aquatique (signe de naissance) là où il n'existe plus de substance et de solidité mais la mouvance de l'inattendu.

C'est de la sorte qu'une telle poétique transforme les apparences et devient cette création qui marque la perception (fût-elle onirique) la plus claire et les sentiments les plus intimes. Il existe aussi une éloquence lyrique qui se moque de l'éloquence. Parfois  elle ne renie ni le silence ni la solitude même si d'ailleurs les feux de la création plaident (non coupables) pour une communion des sens et du sens là où
"un fleuve parcourt l'océan dans une goutte d'eau virginale et où un vent d'ouragan se promène dans une brise de printemps".
Tout est là à qui veut comprendre ce qu'il en est d'une telle oeuvre mais aussi de la vie.


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